Le droit et les sectes

Le Droit et les sectes.

Les victimes de membres de mouvements sectaires dérivant sont légitimes à demander justice et leur action est par ailleurs prévue par les textes répressifs soit généraux soit par l’article répriment l’abus d’état de faiblesse.

 Néanmoins il faut bien reconnaitre que pour les familles des victimes des mouvements sectaires le chemin judiciaire est souvent difficile.

Il existe trois types de victimes de dérives sectaires :

  • * les adeptes qui ne savent encore pas qu’ils sont victimes car ils sont sous emprise.

S’agissant de cette première catégorie, personne ne les voit jamais : ni les services sociaux, ni les services hospitaliers, ni enfin les services d’enquête ; les adeptes ne se considèrent pas comme des victimes et même diabolisent ceux qui veulent les aider, puisqu’ils sont sous emprise. Il arrive même, parfois, que ces victimes sous emprise infiltrent le système judiciaire pour porter sur le banc des parties civiles le dogme de la secte comme ce fût le cas à Saint Etienne.

  • * les ex-adeptes qui ont pratiquement toujours besoin de temps pour premièrement se reconstruire et secondement trouver la force de saisir la justice ; Pour les ex-adeptes plusieurs aspects limitent leur possibilité d’obtenir réparation par la voie pénale :

     - Ils ont honte de raconter une histoire dont ils ne sont pas fiers ; ils ont peur de ne pas être crus quand ils racontent une histoire parfois « incroyable » ;

     - ils ont peur du mouvement et de ses membres dont-ils connaissent les nuisances, peur des représailles sur les membres de leur famille toujours dans le mouvement.

     - Ils subissent les limites imposées par la prescription : les délais de reconstructions sont souvent longs ; il ne suffit pas de sortir de la secte pour qu’elle sorte de vous.

  • *  les familles de victimes qui souvent ne portent pas plainte car elles en sont dissuadées par les services d’enquêtes ou sont refoulées par la justice faute d’intérêt à agir.

Le cas des victimes collatérales (co-adepte selon le psychologue belge Jean-Claude MAES) est numériquement le plus important à saisir les associations, les avocats, la justice car ils sont les premiers à supporter matériellement et affectivement, de plein fouet, les brisures familiales imposées par la secte. Ils constatent les changements importants (emprise mentale, exigences financières exorbitantes, isolement familial, professionnel et familial…).

Ils ne peuvent par contre, en général, pas décrire précisément la doctrine du mouvement, ni les infractions précises qui les amènent à saisir la justice. L’opacité des mouvements sectaires rend l’accès à l’information très difficile pour les familles totalement isolées de l’adepte. De fait, la preuve de ce qu’ils avancent est pratiquement impossible à apporter.

Leur situation se heurte aussi, à la fois aux difficultés à initier une action judiciaire contre leurs propres enfants compte tenu de leur conflit de loyauté et à invoquer un intérêt à agir direct en leur nom personnel, leur proche étant majeur.

Les mouvements sectaires  inspirent la peur. Ils mettent en place des méthodes très organisées visant à instrumentaliser la justice : propagande noire, faux souvenirs induits, disparition de dossiers, plaintes avec constitution de partie civile pour diffamation pour pouvoir communiquer longtemps sur la mise en examen, y compris par le biais de l’avocat en violation de son secret professionnel.

L’important dans ce cas n’est pas de gagner mais de discréditer l’adversaire. Ils organisent des réseaux de soutien à l’action judiciaire avec des avocats spécialisés (parfois l’avocat se spécialise sur plusieurs mouvements), des experts soutiens de la cause, des dossiers « type » avec toutes les demandes de témoignages, de justificatifs…et ce, tant au civil qu’au pénal.

Mais c’est surtout l’opacité de leur fonctionnement rend très difficile d’établir la preuve des infractions qu’ils commettent.

Même si les incriminations générales du droit pénal sont utilisées  pour lutter contre certains agissements dérivants des mouvements sectaires (viols, escroqueries, défauts de soin….), elles ne permettent pas l’identification spécifique des comportements sectaires, et en premier lieu l’emprise mentale.

Tout au plus, l’aspect sectaire permet d’éclairer le contexte dans lesquels les faits se commettent. Par contre sur le plan de la preuve, ces infractions sont un peu plus aisées à caractériser au plan matériel notamment :

L’article 223-15-2 du code pénal réprime l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d’une maladie ou d’une infirmité. Il protège aussi la personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement pour la conduire à des actes ou à des  abstentions qui lui sont gravement préjudiciables.

 Avant la question déjà difficile de la preuve de l’état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement.

Il faut écarter le préjugé que seules les personnes fragiles peuvent être happées par  un processus sectaire. Alors cela veut-il dire que n’importe-qui peut être adepte ?

L’idée d’être manipulé est insupportable pour tous et génère le déni. Or il n’est pas nécessaire d’être faible ou affaibli pour être adepte et à chacun sa secte car il suffit d’une porte d’entrée correspondant aux désirs profonds de l’individu.

Face à une demande légitime de bonheur ou de santé, il est répondu par une promesse illusoire et mensongère mais séductrice qui a pour seul but de fidéliser la cible.

 A titre d’exemple :

  • Les futurs adeptes qui recherchent pouvoir magique et la possibilité de devenir des êtres supérieurs, des élites.
  • Ceux qui cherchent des connaissances spirituelles et ésotériques.
  • Ceux qui suivent un parent qui est dans une secte.
  • Ceux qui y entrent un peu par hasard au fil des rencontres dans des groupes chaleureux et enveloppants,
  • Les « flirty fishés »,
  • Ceux qui craignent la fin du monde.
  • Ceux qui sont démarchés par les sectes « in situ « : personnes âgées en maison de retraite, victimes de catastrophes, malades en fin de vie, détenus, demandeurs d’emploi par le biais de la formation,
  • Et effectivement, les personnes fragilisées par la vie qui veulent se protéger des agressions de la vie ou des personnes malades.

Dans tous ces cas, la phase de séduction, qui peut-être fulgurante ou durer sur plusieurs années, consiste à séduire le futur adepte par un discours mensonger correspondant à ses atteintes.

Puis il y a la phase de destruction de tout ce qui a été sa vie antérieure l’adepte parle alors « de son ancienne vie » et c’est là que s’installe les ruptures avec ceux qui veulent empêcher son bonheur.

 La phase ultime est la reconstruction avec le dogme de la secte et il est alors impossible de remettre en cause le gourou et sa doctrine.

Parfois la famille découvre l’emprise de son proche à cet ultime stade avec une grande brutalité. Les familles sont brisées.

Pour toutes ces raisons, l’objectivisation des éléments de preuve de l’état de sujétion de la loi About-Picard du 12 juin 2001est particulièrement difficile et il est essentiel de réunir le plus d’éléments possibles avant de déclencher une action judiciaire. La preuve passe bien sûr par l’accumulation de tous les éléments de doctrine trouvables soit sur le net, soit  dans les affaires du proche sous emprise, les témoignages des anciens adeptes ou autres familles victimes, les enregistrement même «sauvage», les expertises psychiatriques et psychologiques  mais aussi tout les éléments qui vous seront communiqués par les associations de défense des familles et de lutte contre les comportements des sectes.

C.K.